L__age_d__or_des_cartes_marines.jpgAlors que le Vendée Globe se déroule sous haute surveillance satellitaire, les marins du XVe siècle avançaient sur les océans nez au vent où presque... Les cartes marines présentées dans ce magnifique ouvrage (bravo à l’imprimeur italien pour la restitution sensationnelle des détails et des couleurs) sont certes très belles à feuilleter mais s’en servir sur un bateau fut une autre paire de manches…

Imaginez, en effet, des marins sur des embarcations de bois avec pour seule certitude leur point de départ ! C’est ainsi que le Génois Colomb toucha l’Amérique (et non l’Inde son objectif premier) mais aussi que Vasco de Gama découvrit l’Indonésie et Amerigo Vespucci l’Amérique du Sud.

L’âge d’or des cartes est aussi celui où les Européens conquirent le monde alors que les Chinois se renfermaient sur eux-mêmes pour presque cinq siècles. Une époque où Portugais et Espagnols – les vrais maîtres du monde marin - se partagent d’un coup de crayon le monde connu à Tordesillas en 1494.

Suivront les Provinces Unies, l’Angleterre et enfin la France, première puissance européenne, première puissance militaire, démographique et financière mais beaucoup moins ambitieuse sur mer. Colomb le génois, Vespucci le florentin ou Vasco de Gama le portugais seront en avance sur leurs confrères français. Il faudra réellement attendre le début du XVIIIe siècle et Colbert de Seigneulay pour que la France ait une ambition maritime digne de ce nom et dépasse, jusqu’à la guerre de Sept ans, sa grande rivale l’Angleterre.

Certes, le compas, le portulan et les instruments d’observation du ciel permettaient de situer la latitude mais il faudra encore attendre le XVIIIe siècle et l’invention du chronomètre pour que l’on puisse calculer la longitude (1). La navigation à l’estime est donc encore fort répandue fin XIVe-début XVe et l’expérience des marins est vitale. Aujourd’hui encore, l’expérience du capitaine ne vaut-elle pas toutes les installations électroniques ? Tel ce capitaine d’un paquebot qui, lors du tsunami de décembre 2004, fit remonter les passagers pour affronter la vague géante … Tout le monde a survécu.

Les nombreuses expéditions maritimes embarquaient souvent des savants, scientifiques, écrivains, herboristes pour ramener un portrait le plus complet possible des cités, peuples, pays et richesses découverts à l’autre bout du monde.
Les cartes universelles de Juan de la Cosa (1500) offrent la plus ancienne représentation des Indes Orientales et le planisphère anonyme dit de Cantino (1502) est fascinant car l’on peut y voir une des toutes premières représentations du partage du monde entre Portugais et Espagnols, décidé à Tordesillas en 1494.

Enfin, les représentations imaginaires de l’ailleurs, de l’inconnu, de l’Extrême-Orient à l’Afrique, sont souvent truffées d’Asthomes, de Troglodytes, d’Anthropophages où encore de Sciapodes durant l’Antiquité. Néanmoins, au XIVe et XVe siècles demeurent des monstres sur les cartes de l’Afrique ou encore des gardiens musclés avec des boucliers et des massues à l’extrême sud de la Patagonie.

L’Âge d’or des cartes marines est un ouvrage somptueux. À la fois objet d’art pour les passionnés de cartes et de mer mais aussi livre d’histoire richement documenté.

(1) En 1762, John Harrison gagna le prix du Parlement britannique, décerné au savant qui donnerait une solution à ce problème, avec sa « montre marine no 4 » dont le retard, lors de son premier voyage en Jamaïque, ne dépassa pas cinq secondes en deux mois, soit environ 1′ 15″ en longitude. (Source: Encyclopédie Universalis)

L’Âge d’or des cartes marines Quand l’Europe découvrait le monde
Catherine Hoffmann, Hélène Richard, Emmanuelle Vagnon (dir.)
Le Seuil/Bibliothèque Nationale de France (coédition)
256p. 39€
Relié sous jaquette
4 octobre 2012

Exposition L’Âge d’or des cartes marines Quand l’Europe découvrait le monde
Bibliothèque Nationale de France François Mitterrand du 23 octobre 2012 au 27 janvier 2013.

Article publié le 28 novembre 2012.