Titien.jpgTitien est-il le roi des peintres ? Les amateurs, les collectionneurs, les conservateurs s’interrogent depuis plus de quatre siècles. En effet, comme Canaletto (1), la réputation de Titien n’a jamais faiblie, de Venise à Rome en passant par le Vatican et toutes les cours d’Europe. Or, Titien a inspiré la palette et le style de nombreux peintres, de la Renaissance aux impressionnistes. Cette ombre ou plutôt cette lumière sur eux tous est-elle le fruit de son ambition de retrouver la peinture classique ?

La renommée de Titien est internationale, ses clients aussi et il est un excellent homme d’affaire qui sait produire du "Titien" à la chaine et réclamer son dû, fut-ce à un roi. Afin de répondre à la demande, il organise son atelier avec de brillants premiers pinceaux et une foultitude de petites mains. En effet, «il y a tous les tableaux que Titien a inventés, préparés, souvent commencés, parfois finis mais dont il a en grande partie laissé l’exécution à ses collaborateurs». C’est pourquoi Augusto Gentili précise sous les tableaux des signatures différentes comme Titien, Titien et atelier, Atelier de Titien

Augusto Gentili décrit un homme puissant, écouté et reçu par les cardinaux, les princes et les rois. Titien arrive à se démarquer alors que ses contemporains s’appellent Michel-Ange, Veronese, Tintoret, Léonard de Vinci, Vasari... L’art est-il au-dessus de la nature ? Titien se posait la question dans son emblème, une ourse entre les allégories du Temps et de la Gloire. Si l’art est au-dessus de la nature, où est Titien ? À côté des dieux ? Avec les dieux ?

L’auteur de ce superbe ouvrage, Augusto Gentili (2) a une autorité, et pour tout dire une liberté de ton rare, dans le monde feutré des conservateurs et autres experts en histoire de l'art. Des confrères qu’il n’hésite pas à égratigner : «si notre discipline (presque) exhaustive manque d’études nouvelles, c’est (entre autres raisons) parce que les vieux outils lui font toujours plus défaut. L’historien de l’art qui entend s’occuper de questions « humanistes » devrait pourtant connaître le latin, savoir le lire et le transcrire correctement. Il devrait aussi pouvoir lire et citer la littérature de référence sinon dans toutes les langues possibles et disponibles du moins dans les principales langues modernes, en plus de la sienne. Enfin, parmi ces dernières il devrait manier la langue italienne s’il veut aborder des arguments relatifs à culture italienne». De là à traiter ses jeunes confrères d’analphabètes …

Titien est un beau livre bien sur. Les reproductions de l’imprimeur italien sont magnifiques, mais cet ouvrage est aussi une réflexion sur la peinture en général pour comprendre le monde, mais aussi comment faire passer des messages au travers de la toile. Des messages politiques, religieux, mythologique. Titien fut maitre en tout. C’est pourquoi, parmi tant d’autres, le Portrait de Paul III avec ses neveux Alessandro et Ottavio Farnese et le Portrait équestre de Charles Quint à la bataille de Mühlberg sont des chefs-d’œuvre de représentation des puissants. Il fut le pinceau préféré des grands de la Renaissance.
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(1) Canaletto (1697-1768)
(2)Augusto Gentili enseigne l’histoire de l’art moderne à l’université Ca’ Foscari de Venise, et tout particulièrement la peinture vénitienne des XVe et XVIe siècles, notamment celles de Titien, Tintoret et Véronèse. Il est l’auteur d’ouvrages sur Carpaccio, Lotto et Titien, ainsi que de La Bilancia dell’arcangelo. Vedere i dettagli nella pittura veneziana del Cinquecento (Rome, 2009, réédition 2012).

Titien
Augusto Gentili
Actes Sud|
Octobre 2012
434p. 140€ (SOLDÉ à 69€)
Traduction : Anne Guglielmetti.

Ci-contre: Titien, Le Pape Paul III avec ses neveux Alessandro et Ottavio Farnese, Napoli, Galleria Nazionale di Capodimonte
Crédit : © Archivi Alinari, Firenze per concessione del Ministero per i Beni e le Attività Culturali

Article publié le 11 décembre 2012.