Une_verite_si_delicate.jpgJohn le Carré démontre, une nouvelle fois, sa grande capacité à synthétiser l'esprit d'une époque. Après les idéologies de la guerre froide dans l'homme qui venait du froid et Les gens de Smiley (entre autres), après l'argent des multinationales dans La constance du jardinier, John le Carré nous averti des méfaits des lois liberticides votées à la va-vite aux USA au travers du Patriot Act, en Angleterre ou en France.

Certains hommes sont au service de leur pays pour le drapeau, l'honneur ou la grandeur comme Kit Probyn envoyé sur le Rocher de Gibraltar pour une mission qui le dépasse en tout. Mais l'avenir le récompensera : il est nommé diplomate dans les Caraîbes et, enfin, fait Lord. Trop beau pour être vrai et il le sait... d'autres d'hommes comme Jay Crispin servent ce même pays pour surveiller, contrôler, menacer ou tuer pour l'argent ou le pouvoir quels qu'en soient les dommages collatéraux. Quant aux lanceurs d'alerte, ils n'ont pas encore la voix qui portent assez loin pour fragiliser des États aussi puissants.

"L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu" disait La Rochefoucauld - cité par Le Carré - jusqu'à ce que le plus fort l'emporte par la violence. En tout points et toutes époques confondues, les personnages de John le Carré perdent à la fin. Ils sont broyés par un "système" trop puissant, trop fort pour eux.

L'ironie de John le Carré lui de permet d'écrire, dans son vingt-troisième roman, que si le monde a changé, les hommes eux n'ont pas changé. Lui non plus n'a pas changé, c'est toujours un grand écrivain.

Une vérité si délicate
John le Carré
Le Seuil
Cadre vert
336 p., 21.50€
Octobre 2013

Article publié le 24 novembre 2013