Raphaël Doan pour ''Le Rêve de l'assimilation. De la Grèce antique à nos jours'' (Passés composés).jpgAssimilation, acculturation, intégration ? Trois mots prononcés souvent mais qui revêtent des pratiques et des comportements très différents. Raphaël Doan se concentre sur l'assimilation pour nous expliquer quelles différences fondamentales existent entre les politiques d'assimilation de la Grèce et de la Rome Antique, de l'Empire Islamique, des Empires Britanniques et Français, du Japon et enfin des USA.

Quelles différences et quels objectifs à atteindre pour ces civilisations qui souhaitent intégrer des étrangers à leur langue, leur culture, leur mode de vie ? Pouvoir et mainmise sur les populations, agrandissement des peuples (à des fins militaires), maîtrise des espaces ? Souvent un peu des trois...

Les Grecs préfèrent les "immigrés définitifs" venants d'autres cités plutôt que "les oiseaux de passage" ; les Romains imposent leurs mode de vie, leurs mœurs et leurs croyances car appartenir à la plus plus grande puissance du monde à facilité l'évidence de la romanisation de millions de personnes ; dans l'Empire arabo-islamique, les non-musulmans, notamment les juifs, les chrétiens et les zoroastriens, doivent "s'humilier", ne pas s'habiller comme les musulmans, s'écarter devant les musulmans. Néanmoins, c'est l'Islam qui permet l'arabisation rapide de l'Empire, de la Perse à l'Espagne, de la Syrie à l'Égypte, notamment en permettant aux nouveaux convertis de payer moins d'impôts et d'accéder à l'ascenseur social.

La France, quant à elle, rêve de faire de ses colonisés, de la Nouvelle-France du 17e siècle à l'Indochine du XXe, de nouveau français. Les succès furent rares outre-mer par contre la France assimila, par la langue et l'armée, par ses us et coutumes, l'ensemble de ses région actuelles comme l'Alsace, le Languedoc, la Bretagne ou encore la Provence. Le "pic" de l'assimilation aura lieu pendant la IIIe République et notamment pendant l'entre-deux guerre où chaque nouvel arrivant doit devenir un français par son travail, sa pratique des us et coutumes, la francisation de son nom et les prénoms français qu'il donnera a ses enfants. Cette assimilation quasi parfaite va s'effriter à partir des années 50/60 et s'effondrer au début des années 80. En effet, il n'est désormais plus question d'assimilation mais d'intégration et de "respect des différences".

Au Japon, la politique assimilatrice sera un copier-coller, ou presque, des pratiques françaises. Non pas sur son territoire historique, mais sur deux grandes îles récemment conquises - Okinawa au sud et Hokkaido au nord - fixant ainsi ses frontières actuelles, mais aussi, et avec beaucoup moins de succès en Corée et en Mandchourie. Dans ces deux cas, la brutalité de l'administration japonaise consolida plutôt le rejet voire la haine des habitants envers l'Empire du Japon.

Enfin, aux États-Unis, la politique d'assimilation visait au 19e siècle et dans la première moitié du XXe siècle, toutes les populations européennes, puis les indiens - en les intégrant de force dans l'État américain - mais les noirs jamais. En effet, jusqu'aux années 1950/60, aucune politique d'assimilation n'a été entreprise pour réunir Blancs et Noirs. Esclaves d'abords puis soumis à la ségrégation, les Noirs n'étaient jamais dans les mêmes lieux que les Blancs. Depuis, les choses ont bien changé et Barak Obama a été élu Président des États-Unis mais Blancs et Noirs demeurent toujours éloignés d'une assimilation commune.

Cet ouvrage dense et riche est un rappel historique très utile pour comprendre les différences culturelles fondamentales qui existent toujours alors que l'uniformisation matérialiste n'a jamais été aussi forte.

Le rêve de l'assimilation de la Grèce Antique à nos jours
Raphaël Doan
Passés/Composés
Janvier 2021
352p., 22 €

Prix de la Revue des Deux Mondes 2021